Le 9 mai est la fête de Jeanne d’Arc pour notre pays, et le 30 mai ce sera la fête de sainte Jeanne d’Arc pour l’Eglise. Une bonne opportunité pour s’intéresser à la vocation de la France ! Alors j’ai fouillé dans mes tiroirs, pour vous dégoter deux textes. Mais pas n’importe quels textes… écrits par deux papes à un siècle d’intervalle, à l’attention spécifique de la France.
Le premier a été écrit en 1884. Saviez-vous qu’une encyclique avait été écrite par Léon XIII rien que pour la France ? Elle a pour titre Nobilissima Gallorum Gens, excusez du peu. Non je ne suis pas bilingue, mais il y deux mots qui ressemblent à noble et Gaule, ce qui donne envie de jeter un coup d’œil.
Faut dire qu’à l’époque c’était pas la joie… Depuis la Révolution, les systèmes politiques se succèdent : on patauge pour trouver quelque chose de stable entre les dictatures, la monarchie qui cherche parfois à imiter la démocratie pour ne pas se faire taper sur les doigts, le neveu du tonton qui n’a pas la carrure du nabot, les poètes romantiques qui se disent que la politique c’est une bonne scène pour leurs inspirations célestes, bref c’est le bazar. Avec tout de même une constante : les puissants cherchent par tous les moyens à se glorifier de la Révolution Française, malgré toutes les contradictions de cet événement. Ils tiennent mordicus à l’émancipation de d’Homme, vaille que vaille.
Enfin je dis les puissants mais dans la période de l’encyclique le comte de Chambord et son entourage avaient bien percuté ce qui ne tournait pas rond (je vous ai parlé de l’excellente analyse de René de La Tour du Pin, vers un ordre social chrétien dont je parle dans cet article. Il faut lire aussi le livre d’Augustin Cochin, Les sociétés de pensée et la démocratie moderne) dont je parle dans cet autre article. Je parle beaucoup, en effet.
Et puis la troisième république est arrivée. Ça allait couci-couça jusqu’à ce que Gambetta ait une vraie inspiration (du genre de l’inspiration d’Adam et Eve devant un panier à fruit si vous voyez ce que je veux dire…), celle de proposer le « programme de Belleville », encore appelé le « programme républicain ». Ce programme était ni plus ni moins qu’une stratégie, bien pistonnée par le grand orient de France, pour faire la guerre à l’Eglise. Du lourd, et du violent, qui donna l’expulsion des congrégations religieuses, le lavage de cerveaux scolaire et, bien sûr, 1905.
Léon XIII le dit très bien : dans une société sans Dieu, « L’autorité des princes n’aura plus dès lors son prestige nécessaire; les lois seront sans force suffisante. Chacun préférera l’utile à l’honnête, les droits perdront leurs forces, s’ils n’ont d’autre sauvegarde que la crainte des châtiments. Ceux qui commandent se laisseront emporter facilement à la tyrannie, et ceux qui obéissent à la révolte et à la sédition. »
Au milieu de cette tourmente, on peut comprendre que la plupart des catholiques se sont opposés à la République en place, questionnant la compatibilité du système politique républicain avec la foi. Or Léon XIII, dans cette encyclique, leur rappelle l’importance de ne pas déserter la vie politique à la recherche d’une alternative, mais en quelque sorte de « faire avec ». En fait, contrairement au nazisme et au communisme qui ont été officiellement condamnés par l'Eglise comme intrinsèquement mauvais, le système républicain ne possède pas en lui-même d’incompatibilité avec la doctrine sociale de l’Eglise. Mais il est vital de le rabibocher avec elle, sans quoi des milliers d’innocents seront perdus, faute d’être protégés des puissants.
Ce qui est très important ici, c’est que l’Eglise ne place pas le politique d’abord (le fait de chercher à résoudre les problèmes en changeant d’institution avant tout le reste), mais l’apostolat d’abord (le fait de s’adresser aux personnes avant de s’adresser aux systèmes). Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas réfléchir au système politique, mais de comprendre que ce n’est pas la priorité immédiate qui surpasserait l’évangélisation. On verra combien cette distinction a été importante avec le mouvement de l’action française, au début du XXème siècle.
Léon XIII ne néglige pas pour autant l’importance de résister aux dérives du système en place, et il est très ferme sur certains points : « Il faut absolument que les pères et mères dignes de ce nom veillent à ce que leurs enfants, parvenus à l’âge d’apprendre, reçoivent l’enseignement religieux, et ne rencontrent dans l’école rien qui blesse la foi ou la pureté des mœurs. » ça fait du bien d’entendre ça à l’heure actuelle.
A mon avis cette encyclique, avec toutes les circonstances qui expliquent sa promulgation, reste d’actualité. Ce qui est assez chouette c’est qu’un siècle plus tard, le 1er juin 1980, un pape s’est de nouveau adressé à la nation française. Je vous cite la fin du discours, mais n’hésitez pas à le lire en entier ça vaut le détour !
« Le problème de l’absence du Christ n’existe pas. Le problème de son éloignement de l’histoire de l’homme n’existe pas. Le silence de Dieu à l’égard des inquiétudes du cœur et du sort de l’homme n’existe pas.
Il n’y a qu’un seul problème qui existe toujours et partout : le problème de notre présence auprès du Christ. De notre permanence dans le Christ. De notre intimité avec la vérité authentique de ses paroles et avec la puissance de son amour. Il n’existe qu’un problème, celui de notre fidélité à l’alliance avec la sagesse éternelle, qui est source d’une vraie culture, c’est-à-dire de la croissance de l’homme, et celui de la fidélité aux promesses de notre baptême au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit !
Alors permettez-moi, pour conclure, de vous interroger :
France, Fille aînée de l’Eglise, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ?
Permettez-moi de vous demander :
France, Fille de l’Eglise et éducatrice des peuples, es-tu fidèle, pour le bien de l’homme, à l’alliance avec la sagesse éternelle ?
Pardonnez-moi cette question. Je l’ai posée comme le fait le ministre au moment du baptême. Je l’ai posée par sollicitude pour l’Eglise dont je suis le premier prêtre et le premier serviteur, et par amour pour l’homme dont la grandeur définitive est en Dieu, Père Fils et Saint-Esprit. »
Saint Jean-Paul II, discours au Bourget.
Bonne lecture, et bonne semaine !
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