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République et Education (Présidentielle 2/4)

Bonjour !


La semaine dernière, nous nous sommes intéressés à la question de la souveraineté, et de la pérennité de cette notion à l’heure de la mondialisation. J’avais choisi d’aborder ce thème avant les élections présidentielles, parce qu’il suscite beaucoup d’émotions contradictoires, au sein même des chrétiens. Puisque ce n’est pas une raison pour ne pas se positionner, au contraire, il semblait nécessaire de faire le point à l’aide de la doctrine sociale de l’Eglise pour déblayer ce terrain vague.


D’ailleurs si vous ne savez pas encore si vous allez voter en avril prochain, relisez le début de l’article de la semaine dernière sur le rapport entre les chrétiens et la politique. Ça ne fait pas de mal.


Aujourd’hui, je vous propose de discuter d’un autre sujet délicat : l’éducation et la République. Nous allons suivre une fois encore l’excellent ouvrage principes catholiques d’action civique, qui a été rédigé par l'abbé Lallement à la demande de l’assemblée des évêques et cardinaux de France. Nous allons aborder successivement les relations entre les trois acteurs de l’éducation : l’Eglise, la famille et l’Etat.


L’Eglise et l’Etat


Dans l’esprit du plus grand nombre, l’objectif de l’éducation est l’adaptation de l’enfant à la vie en société et son accès à l’autonomie. L'abbé Lallement s’oppose à cela, en rappelant que la fin de la personne humaine n’est pas à chercher dans le monde mais dans l’union à Dieu. Cela donne à l’Eglise un rôle privilégié dans l’éducation, ainsi qu’une indépendance totale vis-à-vis de tout pouvoir terrestre dans ce domaine. Ainsi, lorsque la religion est enseignée à l’école, il incombe à l'évêque de valider le choix des enseignants et des manuels. En principe.


De même, l'Eglise est censée veiller sur tous les discours et enseignements tenus à l'école, qu’elle soit publique ou privée "pour qu'il n'y soit porté aucune atteinte à la religion ou à la morale"[1]. En effet, tout l’enseignement doit être "mis en rapport avec la formation morale et religieuse", même le sport. D’ailleurs, cela ne porte pas préjudice à l'Etat parce que l'Eglise enseigne l'amour et le service de la patrie.[2]


La famille et l’Eglise

Concernant l'éducation familiale, l'Eglise nous explique que l'éducation des enfants est intimement liée à la fécondité conjugale, qu’elle est le prolongement du principe vital que Dieu communique à la famille. Plus encore, le respect par les parents de leur mission éducative va être le signe de l'honnêteté morale, et carrément de la dignité humaine, de leur union conjugale.


Dans le code de droit canonique, on peut lire en effet que "Les parents ont la très grave obligation de veiller, selon tout leur pouvoir, à l'éducation tant religieuse et morale que physique et civique de leurs enfants."[3] et Pie XI en conclue : "Le premier milieu naturel et nécessaire de l'éducation est la famille, précisément destinée à cette fin par le Créateur. De règle donc, l'éducation la plus efficace et la plus durable sera celle qui sera reçue dans une famille chrétienne et bien ordonnée et bien disciplinée, et son efficacité sera d'autant plus grande qu'y brilleront plus clairement et plus constamment les bons exemples, surtout des parents, puis des autres membres de la famille."[4]


La famille et l’Etat

Maintenant, nous allons nous demander quel équilibre il convient d’atteindre dans l’éducation des enfants entre la famille et la société. Paul VI clarifie la question dans son encyclique gravissimum educationis :


« Les droit et devoir, premiers et inaliénables, d’éduquer leurs enfants reviennent aux parents. Ils doivent donc jouir d’une liberté véritable dans le choix de l’école. Les pouvoirs publics, dont le rôle est de protéger et de défendre les libertés des citoyens, doivent veiller à la justice distributive en répartissant l’aide des fonds publics de telle sorte que les parents puissent jouir d’une authentique liberté dans le choix de l’école de leurs enfants selon leur conscience.


« C’est encore le rôle de l’État de veiller à ce que tous les citoyens parviennent à participer véritablement à la culture et soient préparés comme il se doit à l’exercice des devoirs et des droits du citoyen. L’État doit donc garantir le droit des enfants à une éducation scolaire adéquate, […] et d’une façon générale développer l’ensemble du système scolaire sans perdre de vue le principe de subsidiarité, donc, en excluant n’importe quel monopole scolaire. Tout monopole de ce genre est, en effet, opposé aux droits innés de la personne humaine, au progrès et à la diffusion de la culture elle-même, à la concorde entre les citoyens, enfin au pluralisme qui est aujourd’hui la règle dans un grand nombre de sociétés. »[5]


Pour enfoncer le clou sur la question du monopole scolaire, voici un autre passage:


« Est injuste et illicite tout monopole de l'éducation et de l'enseignement qui oblige physiquement ou moralement les familles à envoyer leurs enfants dans les écoles de l'Etat, contrairement aux obligations de la conscience chrétienne ou même à leurs légitimes préférences. […] tous ceux qui osent soutenir [...] Que l'Etat, sur l'éducation, a droit absolu, se mettent en contradiction ouverte avec le sens commun.»[6]


Autrement dit, la célèbre phrase de Danton: "les enfants appartiennent à la république avant d'appartenir à leurs parents"[7] est contraire au sens commun, au droit naturel et à la morale. Bien qu’on retrouve cette idée volontiers dans la bouche d’individus tels que Luc Ferry et dans l’esprit d’un très grand nombre, nous ne pouvons l’admettre.


Cela signifie donc que "les parents ont le choix de l'école. Les maitres sont, par fonction, leurs délégués et ils doivent agir en collaboration avec eux. L'école ne saurait décharger les parents de toute leur responsabilité."[8] Cela ne signifie pas en revanche que le droit des parents à l'éducation de leurs enfants soit sans limites, car les parents sont tenus de mettre leur instruction et leur éducation en parfait accord avec la foi.[9]


Mettre l’éducation et l’instruction des enfants en rapport avec la foi, c’est en réalité éclairer cette éducation et cette instruction par notre foi, l’appuyer sur la sagesse de l’Eglise. Notre foi est un guide formidable, une tutelle pour l’intelligence. Lorsque nous entendons parler d’un programme d’enseignement "neutre" ou "objectif", il s'agit en réalité d’un programme qui s’appuie sur une certaine idéologie que les auteurs n'ont pas encore - ou qu'ils ne souhaitent pas réellement - identifier. Autrement dit, on ne peut considérer l’apprentissage sans implications morales. Le refus même de parler de morale est une morale (rappelez-vous de l'article sur la libre pensée).


Nous avons vu dans cet article la pédagogie si riche de Charlotte Mason, qui considère que chaque leçon doit s’appuyer sur la morale de manière explicite. C’est une évidence pour les leçons de philosophie ou d’histoire, mais cela doit aussi l’être pour les arts, la littérature, etc… Très exactement comme le propose Jean Daujat dans son livre La face interne de l’histoire, en fait.


Pour aller plus loin, le cardinal Newman explique que ce principe doit être poussé à fonds à travers la prise en compte de la métaphysique. Il donne l'exemple de la théologie, dont le déclin à l’université provoque l’égarement des enseignements de philosophie, et de la raison en général. Pie XI explique cela :


« il n'est que trop clair que l'intention d'un grand nombre est de soustraire l'éducation à toute dépendance de la loi divine. Et ainsi voit-on de nos jours ce cas vraiment étrange d'éducateurs et de philosophes qui se fatiguent à la recherche d'un code moral universel d'éducation, comme si n'existaient ni le Décalogue, ni la loi évangélique, ni même cette loi naturelle que Dieu a gravée dans le cœur de l'homme, qui a été promulguée par la droite raison, et codifiée encore par Dieu lui-même, avec la Révélation positive, dans les dix Commandements. Ce sont encore ces novateurs qui ont coutume de donner par mépris à l'éducation chrétienne les noms de : "hétéronome", "passive", "arriérée", tout simplement parce qu'elle se fonde sur l'autorité et la loi de Dieu. »[10]


Je comptais vous proposer quelques exemples concrets comme l’évolutionnisme ou le freudisme, où la raison dévie au profit d’une idéologie qui ne dit pas son nom, mais ça sera pour une prochaine fois. En revanche, si vous souhaitez avoir des pistes pour une éducation authentiquement chrétienne des enfants, je vous propose le livre ci-dessous, rédigé par le cardinal Silvio Antoniano à la demande de saint Charles Borromée. Ce livre est recommandé aux parents directement (s’il vous plait) par le pape Pie XI dans son encyclique. Comme il coûte très cher et est assez rare, je vous propose un lien pour l’accès direct en ligne du livre ci-dessous.


Je vous conseille de consulter les chapitre LXXXVI et suivants (pages 268 à 295), qui portent sur l'éducation des enfants à la chasteté, c'est très instructif.


Bonne lecture, et à la semaine prochaine ! Nous nous pencherons sur l'économie et la financiarisation avec La Tour du Pin...

[1] D. Lallement, Principes catholiques d'action civique, DDB, 1935, p.142 [2] D. Lallement, op. cit, pp 142-143 [3] Code de droit canonique, 1113 [4] Pie XI, divini illius magistri. [5] Paul VI, gravissimum educationis, §6 [6] Ibid, pp. 149-150 [7] H. Taine, les origines de la France contemporaine [8] Ibid, pp. 144-145 [9] Ibid, p.146 [10] Pie XI, op. cit.


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