Aujourd’hui, je propose de vous parler du premier roman de Georges Bernanos, paru en 1926 : sous le soleil de satan. C’est l’histoire d’un jeune prêtre de campagne, qui cherche à convertir son cœur pour mieux plaire au Christ. Et il y a un détail qui est à la fois très touchant et en même temps terriblement violent, c’est que ce prêtre avance avec une simplicité dévastatrice, il traverse et chamboule toutes les histoires des personnes qu’il rencontre.
Ce qui me plait dans ce roman, c’est la manière qu’à son auteur de préserver son héros de tout esprit mondain par la conscience de sa misère. Il avance un peu à la manière de l’idiot de Dostoïevski, incapable de cynisme ou de duplicité. Quand le Christ nous exhorte à ressembler à de petits enfants, nous avons tendance à croire qu’il nous faut gagner en spontanéité pour accéder à l’innocence. Or, saint Augustin nous dit dans ses confessions qu’en fait les enfants que nous voyons sont capables d’une grande cruauté. La simplification de nos cœurs ne s’obtient donc pas par un retour en arrière, une régression rousseauiste, mais par la purification de l’âme à travers l’exercice des vertus, la pratique des sacrements, de la prière, et des béatitudes.
Pour revenir à ce roman, ce que j’apprécie c’est justement que l’auteur ne nous dépeint pas l’itinéraire béat d’un saint pour qui la route est facile dans son ignorance du mal, mais il nous donne accès à la lutte intérieur d’un homme courageux qui se bat à chaque instant pour le bien. D’ailleurs, c’est très intéressant de constater avec quelle complaisance ce pauvre type est traité par le monde, comme si la sainteté était un loisir d’innocent, une fleur miraculeuse qui fleurit en totale indépendance avec les actes des hommes. Fascinés par la beauté spirituelle qui émane de ce prêtre, ils sont à mille lieues d’imaginer combien le quotidien de celui-ci est exempt de raffinement.
Dans la préface du roman, un homme de lettre (dont j’ai oublié le nom) parle de l’œuvre de Bernanos, en expliquant que celui-ci a été bouleversé par les atrocités de la première guerre mondiale, par son caractère industriel et anonyme, où l’homme est réduit à un objet dispensable qu’on envoie au carnage. Ces effroyables engrenages, Bernanos les refuse. Il refuse de « ne pas chercher à comprendre », expression à la source de l’inhumanité, de l’anonymat, de la réification des hommes qui sont privés de toute dignité. Depuis mai 68, on parle de l’éveil des consciences en désignant par là l’excitation à la révolte contre toute forme d’autorité. Pour Bernanos, l’éveil de la conscience c’est reconnaitre la seule autorité qui puisse nous sauver, et s’y cramponner inlassablement. La sainteté n’est plus une lubie poétique, mais une nécessité de chaque instant, pour ceux qui ont soif de Vérité.
Bref, lisez, mais gare à vous : si vous fermez ce livre sans sentir au fond de vos tripes l’urgence de vous convertir, vous avez loupé un chapitre.
Bonne lecture, et bonne semaine !
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